Sven de Almeida : coulisses des portraits
JoramAvant de retrouver quelqu’un qui nous est cher, on aime bien se remémorer les bons moments, imaginer ceux à venir et il en va de même avec Festi’neuch. Mais voilà, la mémoire est une amie frivole, elle nous joue souvent des tours, bien plus encore lorsque l’on essaie de la rappeler à l’ordre…
Heureusement, au détour d’une photo, les souvenirs peuvent refaire surface et nous ramener dans ce moment et ses émotions, c’est en tout cas l’une des meilleures justifications aux milliers de photos stockées dans mon Cloud. Mais comment faire pour saisir et rendre universelles des choses si personnelles ? C’est là que réside tout le savoir-faire, la magie du travail d’un photographe comme Sven de Almeida qui réussit en une image, en un cliché, à capturer toute l’énergie et les émotions d’un artiste et ainsi permettre à toutes les personnes qui étaient présentes ce soir-là de ne pas oublier, de se rappeler. Le temps suspend alors son vol et, en un coup d’œil, tout un concert revient en mémoire.
Sven est sans doute la personne qui a passé le plus de temps cumulé en tête à tête avec les artistes de Festi. De très courtes rencontres, parfois de moins d’une minute, dont il doit tirer le maximum. Un privilège qui a un prix : patience et résignation. Combien d’heures à attendre un artiste qui finalement ne viendra jamais ? Il ne les compte pas, ou plus, car ce n’est pas ça le plus important. “Je dois réaliser un portrait très rapidement, je ne peux pas me permettre de faire perdre du temps à ces artistes. Cela veut dire que je dois être au point techniquement, dans ce que je veux faire, ce que je vais faire et dans mon matos qui doit tenir la route. Je dois être capable d’obtenir tout de suite ce que je veux d’eux, de capter ce moment qui m’intéresse, de saisir l’homme ou la femme qui se cache derrière l’artiste en un instant.”
“Ce sont quand même des moments très particuliers quand tu vois ces artistes s’enthousiasmer sur ton travail, c’est quelque chose d’extrêmement gratifiant en fait que tu ne retrouves nulle part ailleurs.”
À l’évocation des souvenirs de ses rencontres, on remarque cette lueur dans les yeux de Sven et l’on comprend. On comprend ce qui rend si particulière chacune de ses photos, il a cette faculté à sonder les âmes, cette sensibilité à l’humain qui différencie son travail. Et si la preuve en images ne suffit pas, écoutons-le évoquer les souvenirs qui les entourent : “Les échanges sont rapides, mais je pense que ce qui est enrichissant dans tout cela, c’est de pouvoir capturer ou en tout cas de profiter de l’énergie et de l’aura de ces personnes, de ce qu’ils dégagent. Qu’est-ce qu’ils amènent comme énergie avec eux dans mon studio. Après tu la ressens ou pas, mais dès le moment où elle est là elle te nourrit aussi… ”.
On comprend aussi que c’est difficile pour lui de devoir sélectionner quelques-uns de ces moments particuliers, mais il s’est tout de même plié à l’exercice. Sélectionnant pour nous cinq de ses portraits qui évoquent chacun quelque chose de particulier pour lui.
1. Hugues Aufray
“Quand Hugues Aufray est entré dans mon studio, la première chose qu’il a fait a été de se plaindre qu’il n’y ait pas de glace pour qu’il puisse se recoiffer. Je lui ai dit que ce n’était pas si grave, qu’on pourrait faire sans. Je l’installe donc sur le plateau et je prends la photo. Elle arrive directement sur l’écran et donc il la voit. À ce moment, il se passe un truc. Il vient vers moi, me serre fort dans ses bras et il me dit : “Merci, tu viens de me réconcilier avec les photographes !” À la suite de quoi il est resté avec moi pendant 30 minutes à me raconter des anecdotes, particulièrement une sur Christophe Dechavanne et Sheila qui…” [NDLR Désolé, certaines anecdotes doivent rester secrètes, mais elle est croustillante.]
2. Catherine Ringer
“Catherine Ringer, ça a été une très belle rencontre. En fait, quand tu rencontres quelqu’un comme Catherine Ringer, t’as envie que cette dame soit la mère de l’un de tes bons potes pour pouvoir aller boire des verres avec elle…”
3. Grand Corps Malade
“Une anecdote très touchante pour moi est quand, lors de sa première venue, Grand Corps Malade a fait le déplacement depuis sa loge car il voulait absolument participer au projet. Il a donc fait l’effort de venir jusqu’à moi à pied … et ça a donné une très belle photo.”
4. Orchestre Tout-Puissant Poly-Rythmo
“Je me souviens d’un groupe de musiciens du Bénin qui était venu avec plein de costumes, je les avais faits assez rapidement, les uns après les autres. Puis est arrivé celui qui devait être le plus vieux, qui m’a demandé s’il pouvait se changer dans mon studio. Alors il a remis ses habits de scène, ce qui a déjà pris une bonne dizaine de minutes. Ensuite, je fais ma photo, ce qui prend moins d’une minute, et après il est resté avec moi et m’a raconté sa vie pendant plus d’une demi-heure. C’était un moment de partage vraiment beau.”
5. Inna de Yard
“Les vieux Jamaïcains de Inna de Yard, tu sens toute cette sagesse, tout ce qu’ils amènent avec eux, toute l’expérience, toutes les histoires, les anecdotes. C’est quelque chose de finalement très apaisant. Ils sont incroyables, ce sont des super moments.”
Une partie du travail réalisé par Sven de Almeida pour Festi’neuch est actuellement exposé à l’Hôtel Palafitte. Une invitation à replonger dans les cinq dernières éditions du festival ouverte à tou.t.es tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’hôtel situé au bord du lac pour découvrir des portraits d’artistes. Plus d’informations sur le 🔗 site Internet de l’hôtel Palafitte.
📸 Portraits : Sven de Almeida
📸 Sven de Almeida : Simon Boillod