L’échange musical et l’esprit
Texte: Rouquignôle / Photo: Thalles PiagetOnirical Blend meets Gangbé, c’est la rencontre d’excellents jazzeux du cru avec une célèbre fanfare béninoise, Gangbé Brass Band. Robins est devenu le percussionniste d’Onirical, suite à un voyage de ce groupe au Bénin il y a quelques années. Il est né dans une famille de griots, où il écoutait sa sœur chanter l’arrivée du soleil.
Petite discussion un dimanche de Pentecôte sur le balcon de Pierre et Juliane, respectivement le contrebassiste, l’homme orchestre et à genre presque tout faire en même temps, et la saxophoniste d’Onirical.
Robins me dit: «La musique ne s’apprend pas chez nous. On naît avec la musique. À cinq ans, je jouais le gon (une petite cloche) dans le vaudou. Puis l’on m’a fait sauter deux niveaux. Ça m’a permis d’arriver à l’Eglise et d’être connecté. Ça ne m’a jamais quitté. Puis, j’ai commencé à transmettre cette énergie. Faire de la musique sans l’esprit, c’est vide. En Afrique, on cherche le rythme. L’harmonie vient après. J’ai appris la musique au couvent, et y ai très vite ressenti la pression. Celle-ci vient du vaudou, j’avais l’impression qu’un esprit derrière moi était prêt à me frapper la tête au moindre faux temps. Dès que tu commences à donner le premier temps, tu as l’impression que tu es en train de jouer ta vie. Chaque artiste béninois lorsqu’il monte sur scène se dit «c’est maintenant ou jamais».
Pierre me raconte la fois quand ils sont partis, les deux groupes, dans un autre bled. La tradition d’accueil consistait à offrir aux hôtes une coupelle d’eau. Mais vu la tête du puits sec, l’acceptation de l’offrande prenait automatiquement une signification tout autre que celle strictement symbolique, si tu vois ce que je veux dire. Il se rappelle que tout le monde fut partout accueilli comme des rois. Il n’y avait pas de porte dans les églises. On mangeait de la tête de mouton.
Quand je leur demande comment s’est passé la connexion, Robins me dit qu’ils furent d’abord connectés dans l’esprit avant de l’être musicalement. Je demande à Pierre ce qu’il pense de cela. Il me répond que Robins a le vaudou, que sa tradition spirituelle est très ancrée. Il me dit qu’au regard de cela, il pense qu’il s’est lui-même découvert une capacité à transcender, malgré son côté cartésien. Qu’il peut transcender ce qu’il ressent.
Robins fait part de son envie de retourner dans le vaudou: «Mais quand t’as quitté, c’est très difficile de le faire».
Le répertoire d’Onirical s’inspire du jazz. C’est un peu comme si les Blancs, qui ne sont historiquement pas vraiment les premiers dépositaires de cette musique, voulaient communiquer quelque chose en retour aux véritables héritiers, samedi en fin d’aprèm sous la vénérable Lacustre à Palabres.
Texte: Rouquignôle / Photo: Thalles Piaget