Dans les arbres (du coin).
RouquiniolIn Trees. Vous pensez aussi que le point à la fin du nom, c’est pour mieux les retrouver dans un quelconque nuage de données musicales ?
Où que l’on se trouve entre la cime et les racines, faut dire que c’t’équipe, c’est tout d’abord un groupe de gens sympa. Même si on les connaît pas.
Il s’agit là de la réunion de quatre musiciens accomplis écumant depuis belle lurette les scènes neuchâteloises, et qui – cerise sur ce joli gâteau – te disent aimablement bonjour quand ton regard croise le leur. Pour faire court, c’est du sérieux sans se prendre le chou.
Cette attitude se retrouve dans leur musique, que l’on pourrait qualifier tout simplement de fraîche et agréable à écouter. Avec le groove même quand ils jouent rock, l’assise rythmique bien ancrée dans la terre, les arpèges résonnent dans le bois et se renvoient en écho direction tout en haut dans le ciel bleu découpé en contraste par les branches. Les voix de Pauline, Jérôme, Sylvain et Manu en chœur comme une brise font frémir les jeunes feuilles du hêtre. L’histoire parle d’incompréhension et tu as d’abord l’impression que tout le monde est d’accord. Tu lèves la tête et regardes ailleurs pour pas qu’on voie monter en toi les émotions comme la sève dans le tronc. La musique d’In Trees. devrait être prescrite pour tout petit coup de blues ou autre souffrance quelconque que l’on souhaite passagère.
Grâce à une technologie fort pratique mais peu durable, je contacte le batteur Manu Linder la veille du gig, histoire de prendre des nouvelles, de parler de la pluie et du beau temps, de la vie et de la mort, des arbres et de la musique enfin. Le groupe est né à peu près en 2019, assez spontanément entre Pauline, Jérôme et Manu, puis très rapidement avec Sylvain. Ça faisait plus de 10 ans que Manu, Jérôme et Sylvain organisaient des jams, d’abord au Bar King puis ensuite au QKC, et Pauline était souvent là aussi : “Un jour, on s’est dit qu’on aimait bien jouer ensemble et qu’on s’appréciait”. L’idée de porter un projet, créer un univers qui corresponde à chacun des membres du groupe a germé. Leur chance est qu’ils sont autant tous pro en musique mais aussi une bande de potes : “Les tâches annexes à la composition se déroulent bien et chacun.e met la main à la pâte sans que l’on doive réellement en parler, en profitant des compétences et des connaissances de chacun.e.”
Je demande à Manu ce que raconte Pauline dans Quarantine Days : “C’est la seule chanson pour laquelle nous avons partagé l’écriture entre nous quatre. Nous étions en plein confinement, et l’idée de ce morceau traînait. Jérôme a composé un couplet, puis nous a demandé de proposer d’autres couplets. Nous y parlons de ce que nous faisions à ce moment, coupés de nos amis, dans une forme de réalité modifiée, que nous n’aurions jamais imaginé vivre peu avant, quand tout allait très vite et que tout le monde voulait toujours plus. Tout ça s’est brusquement arrêté et nous avions alors la possibilité de véritablement nous arrêter et de réfléchir un peu plus au sens de ce que nous vivions jusque-là. Le souci pour moi est que je n’avais plus d’argent qui rentrait, j’ai pas vraiment apprécié de donner des cours de batterie en ligne. Dans cette chanson nous parlons de l’espoir d’une prise de conscience sur une possible reconnexion aux choses dites essentielles en arrêtant par exemple de toujours courir et de surconsommer”. Nous avons ri, parce que c’est bon pour la santé, sur un certain contraste entre ces vœux pieux et la réalité.
Puis nous avons parlé du projet Bande de sauvages, en collaboration avec la Case à Chocs, le MEN et le Musée d’Histoire naturelle: “Nous avons gardé ce titre, à la suite de la résidence menée avec la Case. Pendant la pandémie, nous avons enregistré le disque dans notre local, et l’avons verni en septembre dernier. Nous avons gagné le concours de résidence réunissant musiques actuelles et environnement. Nous étions intéressés par ces problématiques liées aussi aux contraintes de la pandémie, en particulier celle de réunir des gens. Nous nous étions alors préparés pour jouer avec peu de matos et aller à la rencontre de publics un peu plus privés mais n’avons pas pu le faire tout de suite, parce que nous avons entretemps gagné la résidence. Un pays comme la Suisse peut potentiellement ne plus avoir de l’électricité ? Nous sommes conscients de ce qui se passe autour de nous. Nous avons cherché des moyens de continuer de jouer la musique que nous aimons en consommant moins, avec des systèmes plus économes. Pas que de l’unplugged : nous utilisons deux-trois petits amplis, avec quelques pédales d’effet. Nous avons la chance de connaître Joël Sunier qui a développé une batterie autonome. Nous ne savions pas si ça allait fonctionner lors de l’essai à la Tourne, si nous devrions arrêter le gig avant sa fin : tout a très bien fonctionné. Et l’éclairage de Gaël Rovero est splendide.”
In Trees. ne va pas cesser de faire de la scène amplifiée parce qu’ils aiment ça. Ils partiront néanmoins cet été réaliser plusieurs concerts moins énergivores. Pour l’amour des arbres et d’un peu tout ce qui est vivant.