Les ch’veux gris à Festi’
Brízida TorresUn premier arrive. Il est seul parmi les autres, en supériorité numérique flagrante. Peu à peu, d’autres se joignent à lui. Il n’est plus tout seul et ça lui fait plaisir de pouvoir causer un peu à quelqu’un. Des affinités se créent. Des liens se tissent. De loin, on arrive presque à discerner les têtes qui se penchent les unes vers les autres. Signe d’intérêt ou rapprochement stratégique afin de s’entendre en parlant le moins fort possible ? Difficile à dire.
Mais de quoi parlent-ils au juste ?
Le bourdonnement devient de plus en plus fort et pourtant on ne comprend pas bien ce qu’ils disent. À mesure que les uns sont remplacés par les autres, la peur grandit dans leurs yeux et dans leur ventre. Bientôt, la tendance s’inverse et la minorité remplace la majorité. Les autres se taisent et pâlissent à leur tour. En fait, leurs chuchotements deviennent quasi inaudibles. Et puis tout à coup, le silence prend toute la place. On dirait qu’ils attendent quelque chose.
Celui qui était arrivé le premier s’avance. Il tend une main devant lui puis il regarde en l’air. Une grosse goutte noire lui tombe dans le creux de la main. En se tournant vers les autres, il dit : « ça recommence. »
Je ne sais pas si c’est moi ou s’il a vraiment l’air triste, mais à la façon dont il rebrousse chemin j’ai l’impression que ça lui fait de la peine.
Le tonnerre gronde, une fois, et la pluie se fait diluvienne l’espace d’un instant. Le temps pour tous de se retrouver couverts d’une substance noire, goudronneuse, qui colle et qui sent l’ammoniaque.
Ma mère repose son tube L’Oréal Paris Excellence Crème 3 Châtain foncé à côté de l’évier et se regarde dans le miroir de sa salle de bain. Elle soupire mais tente d’être convaincue en lâchant ces mots : « La prochaine fois j’arrête. »
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